Clémence Carbonaro: sortir une première chanson

Photo de Clémence Carbonaro

Interview réalisée le samedi 08 mars par Noctuastali.

༄. Hello ! Tout d’abord, merci beaucoup d’avoir accepté cet interview. Toute première question est-ce que tu peux te présenter ?

Je m’appelle Clémence Carbonarro, je suis musicienne, violoniste, chanteuse, un peu comédienne aussi. J’officie dans plusieurs groupes, surtout Les Mains dans les Poches, mon groupe de reprise avec Luc, et j’ai eu l’audace de sortir dernièrement ma première composition, mon premier single qui s’appelle Running Home.

༄. D’accord, on va y revenir un peu plus tard. On va d’abord continuer un peu sur toi. Comment es-tu venue à la musique ?

Alors, initialement j’ai commencé par le violon. Ce n’était pas un choix délibéré en mode « ouais je vais faire de la musique ».

C’était plus une volonté de mes parents et une volonté dans leur éducation de mettre leurs enfants à la musique. Je me suis donc tournée vers le violon quand j’avais cinq ans.

Photo de Clémence Carbonaro

Même si mes parents ne sont pas musiciens nés ils sont quand même assez mélomanes et ça chantait beaucoup à la maison. Entre ça et le solfège où tu as du chant obligatoire je suis rapidement allée vers le chant et j’ai découvert que c’était quand même plus ma came que le violon, même si ça reste mon instrument de prédilection et mon premier instrument. La voix c’est quand même plus ma maison.

Et donc après avoir fait pas mal de chants lyriques, d’opéras, de chants chorales, je me suis plus tournée vers la musique actuelle avec mes premiers projets de groupe, genre Jazzy Mood, etc. J’ai dû réapprendre un peu ma technique vocale et switcher du chant classique au chant en musique actuelle et c’était très passionnant.

༄. Est-ce que tu peux juste parler rapidement de Jazzy Mood pour ceux qui ne connaîtraient pas ?

C’est-à-dire la vaste majorité des gens sur cette planète (rire). C’était mon premier groupe quand j’avais 18 ou 19 ans. Notre objectif, même si on n’était pas du tout des musiciens originaires de ce type de musique-là, était de reprendre du jazz à notre sauce et avec nos influences. Donc on était cinq dans le groupe et on avait monté tout un set jazz ou en tout cas jazzy de standards et tout ce qui pouvait s’y rapporter. C’était très chouette.

༄. Top ! Après tout ce temps à faire de la musique, surtout de la reprise, avec Les Mains Dans Les Poches, qu’est ce qui t’a motivé à faire ce titre qui est, on peut dire, ta première création originale ?

Ouais, tout à fait. Mmmh, qu’est-ce qui m’a motivée ? Je me sens très à l’aise dans le rôle d’interprète parce que j’ai toujours fait ça que ce soit au violon ou dans toutes les formes de chant que j’ai pratiquées. Comme je suis un peu comédienne, c’est vraiment un rôle avec lequel je suis familière.

Photo de Clémence Carbonaro

Clémence sur scène

Au bout d’un moment je me suis quand même sentie dans un mood de création, je me suis dit mais c’est con que je sois si à l’aise dans la musique et que j’en fasse pas moi, que je n’en crée pas. Je me suis quand même rendue compte assez rapidement que c’était quelque chose avec lequel j’étais pas très à l’aise parce que je trouve ça douloureux. Tu as besoin d’arracher des parties de toi, chose que je ne trouve pas dans d’autres formes de création.

Par exemple, dans les arts plastiques, je crée bien plus naturellement que dans la musique, ce qui est assez étonnant. C’est pour ça que je n’ai composé à ce jour qu’une seule musique. Celle-ci est venue assez naturellement. Un jour j’ai fredonné un air, les paroles sont venues assez rapidement et l’arrangement s’est fait aussi assez naturellement. Donc c’est vrai que pour l’instant il n’y a que Running Home à mon actif et je ne remets pas la pression pour qu’il y en ait d’autres parce que c’est toujours un exercice qui me coûte.

༄. Finalement, qu’est-ce que ce coût ? C’est dû à l’impression d’être en position de vulnérabilité ? Ou au fait que tu donnes quelque chose que tu n’as pas spécialement envie ?

Il y a de ça. Il y a un côté de mise à nu avec lequel je ne suis pas forcément toujours 100% à l’aise. C’est vraiment l’image que j’ai, l’impression de m’arracher quelque chose et que c’est douloureux. C’est un exutoire et en même temps un exutoire qui se fait dans la souffrance.

༄. Merci, ça donne un bel aperçu de ton processus créatif. Tu veux ajouter des éléments sur ton écriture et l’arrangement… ou autre ?

Et bien écoute, en fait, quand avec Jazzy Mood, on s’est mis à vouloir composer un peu au début je savais pas par quel bout m’y prendre. Est-ce qu’il fallait que je commence par les paroles pour après y trouver une mélodie ou l’inverse ? Et ça me prenait beaucoup la tête parce que je n’arrivais pas à trouver une méthode clé. C’est peut-être ça aussi qui est douloureux, c’est le processus qui est pas clair dans ma tête.

༄. Ça peut se simplifier avec le temps aussi peut-être.

Ouais je pense que tu deviens familier de l’exercice et voilà. Mais là c’est vrai qu’avec Running Home, je n’ai pas eu du tout cette difficulté. Vraiment l’air est parti et les paroles se sont tout de suite fixées dessus. Je n’ai pas eu à chercher un bout puis l’autre, ça s’est fait très simultanément. Et puis le seul instrument harmonique que je maîtrise c’est le Ukulélé et donc j’ai cherché les accords tout de suite sur la mélodie qui m’était venue. J’ai fait ma petite tambouille avec mon ukulélé, j’ai tout de suite enregistré. Ça, c’était un tip que m’avait donné un prof que j’avais au conservatoire : “Penses pas que ton idée, elle va rester dans un coin de ta tête, il faut que tu la fixe tout de suite”. Et puis rapidement j’ai composé les chœurs.

Photo de Clémence Carbonaro

Clémence au ukulélé

C’était une chanson qui au début était très tournée autour des chœurs. Ça ne s’entend pas forcément dans l’objet final mais j’ai superposé des couches de voix pour compléter les harmonies que j’avais en tête et que je ne parvenais pas à trouver précisément au ukulélé. Après j’ai rajouté des petites percussions faites maison au shaker et au tambourin.

J’ai ramené tout ça à Luc qui m’a aidé à compléter l’arrangement. À la place du ukulélé, il a enregistré une guitare. On a ajouté une ligne de basse que je lui fredonnais et qu’il est arrivé à fixer après sur un clavier puis mon ami Antoine Gérémia est arrivé et a mis des petits claviers magiques aussi. Il est spécialiste pour trouver les sons qui vont bien tout de suite. ll a fini de fixer cette petite potion magique et voilà l’arrangement était terminé.

༄. Ca valait le coup de creuser la question (rire). En plus de tout ça, il y a aussi tout ce qui accompagne la chanson : tout un travail de communication avec des photos, du graphisme et aussi un clip. D’où est venue cette volonté de faire ce travail visuel ?

En fait, je me suis dit “T’en sortiras pas mille des chansons.” Donc celle-ci, fait tout à fond. Vas-y à fond. Je me suis inspirée de mes potes qui avaient déjà sorti des projets, de ce que je trouvais intéressant, de ce qui sortait dans les années où j’ai composé la chanson. Et donc je me suis dit allez vas-y, trouve une identité visuelle qui aille bien avec cette musique pour que ça puisse interpeller les gens. Parce que je sais que malheureusement les gens sont plus happés par le côté visuel que par le côté musical… enfin souvent, c’est pas une règle générale.

༄. Oui, on vit dans une société de l’image.

Voilà. Je me suis dit, si tu veux que ta musique sorte et qu’elle ait une portée au-delà de ton foyer et ta famille, essaye d’attrapper les gens par l’image. J’ai donc demandé tout de suite à Sébastien Gournay, un ami photographe, de m’accompagner sur ce projet-là.

L’idée du clip est venue un peu de nous deux, de faire un plan séquence de quelqu’un qui est un peu dans le mal, dans un endroit un peu hivernal etc. Il m’a tout de suite accompagné là dedans, on a fait quelques shootings aussi pour accompagner ça et après j’ai demandé à Camille Winkler, de me créer un graphisme autour de ça. Je lui ai laissé un peu carte libre, je lui ai juste donné les inspirations de pochettes que je trouvais cool et elle en a fait un joyeux mic-mac.

Photo de Clémence Carbonaro

Création par Camille Winkler pour le titre

༄. Puis elle te connaît aussi donc ça peut aider à la création.

Ouais mais étonnement elle a été surprise quand je lui ai fait écouter la chanson. Elle ne s’attendait pas à cela par rapport à ce qu’elle connaissait de moi, que je sorte ce type de musique là. C’était marrant.

༄. Comment s’est déroulé le tournage pour toi ? Tu m’as dit que tu étais un peu comédienne, comment ça a été l’expérience du tournage, surtout en plan séquence ?

Comme la chanson n’est pas longue, ça allait. Et c’était cool, ça s’est fait de manière très fluide. On n’a pas eu besoin de faire mille prises. J’avais l’impression d’être bien dans l’intention de la chanson. Alors c’est vrai qu’avec le recul, quand j’ai vu les images et le résultat global, peut-être que j’aurais modifié des choses dans la direction artistique. Peut-être qu’une meuf qui marche sans chanter la chanson ça renvoie pas tout de suite une image de clip. Peut-être que j’aurais dû faire un playback de la chanson. Enfin voilà il y a des choses qu’on aurait peut-être pu améliorer.

Photo de Clémence Carbonaro

Photo de Sébastien Gournay lors du tournage

༄. Oui après c’est des visions artistiques.

Voilà c’est ça. Je regrette pas du tout que ça soit tel que c’est sorti. C’était une chouette expérience. J’avais déjà fait quelques photographies, quelques shootings dans ma vie, jamais un clip où je suis dans un personnage et pas seulement la chanteuse de la chanson. Ça m’a bien plu, c’était très chouette comme expérience.

Sébastien est quelqu’un de très bienveillant et très à l’écoute, donc c’était très chouette d’être accompagné par lui. Je me suis juste pelée le fiac parce que c’était en plein milieu de l’hiver. Heureusement qu’il a traité la colorimétrie parce qu’on voyait bien que mon nez était bien rouge de froid.

༄. Juste peut-être une dernière question sur le titre. Par rapport au texte, qu’est ce qui t’a inspiré ? Tu as dis que c’est vraiment un morceau personnel, que t’as eu besoin de sortir. Si tu peux me donner un peu plus de détails sur le texte ?

Carrément, bien sûr. Je suis toujours quelqu’un de très concise. Les gens qui me connaissent du collège lycée savent que mes dissertations n’ont jamais fait plus d’une copie simple. Je vais toujours droit au but.

Ce que j’ai bien aimé dans même les retours que j’ai eu après coup, c’est que c’est une chanson à double lecture. Je pense que de prime abord on se dit surtout que c’est une chanson de rupture amoureuse, et ça peut être le cas, ça peut être entendu comme ça, ça lui correspond bien. Et moi c’était surtout une rupture dans la manière dont je vis ma santé mentale. Je suis souvent dépressive depuis très longtemps et de manière chronique. Donc ça revient de manière cyclique globalement tous les cinq ans. Et donc j’apprends à vivre avec et cette chanson raconte un peu ça.

Photo de Clémence Carbonaro

Extrait d’image promotionnelle

Toute la première partie de la chanson, c’est comment j’étais manipulée par cette dépression, comment je me sentais une autre que moi dans cette relation à ma santé mentale et comment ça m’a affecté. Et la dernière partie c’est l’émancipation, de dire “voilà ça me définit pas, j’arrive à gérer cette partie de moi que j’ai pas choisi mais qui est là et voilà j’arrive à slay la dépression”. (rire)

༄. Slay! (rire) Merci pour ces précisions, on arrive sur la fin de l’interview. Est-ce que tu as d’autres projets pour donner suite à ce titre ?

Je ne me mets pas la pression avec la sortie d’un autre single, l’écriture d’un EP ou d’un album. Ce qui vient viendra et si ça met du temps c’est pas grave. J’ai quelques ébauches de mélodies. J’ai eu quelques idées qui ne sont pas du tout abouties et qui n’ont pas eu le naturel de Running Home où tout est venu d’un coup. Mais peut-être que ce sont des ébauches que je reprendrai en me disant “ah super, je peux faire ci, je peux faire ça”.

༄. Ce n’est pas perdu.

Voilà c’est ça. En tout cas, c’est dans la boîte et au moment où je me sentirais prête à les ressortir, ça sera là. Et puis je suis toujours très contente d’être dans mon rôle d’interprète et ça me fait toujours autant kiffer d’interpréter les chansons des autres donc je suis quand même épanouie dans ma musique sans composer.

Photo de Clémence Carbonaro

Clémence en concert

༄. Est-ce que tu as des actus ou des projets en cours que tu veux partager ?

Ce n’est pas un de mes projets mais j’ai quand même eu la grande joie d’y participer donc je lui fait un peu de pub. C’est un projet que mène mon amie Lola Mainardi qui est danseuse, et qui a créé une pièce chorégraphique qui s’appelle Pulsion, une pièce qu’elle interprète seule en scène où elle donne la voix à des femmes de son entourage et des femmes qu’elle admire. Des femmes qui ont réussi à s’émanciper d’une souffrance, qui ont eu des parcours très différents, parfois douloureux, mais qui arrivent à les dépasser et qui arrivent à être fiers de leur parcours.

Elle donne la voix à ces femmes autant dans des vidéos que dans des audios. J’ai eu la joie de l’accompagner. Elle présente ça très prochainement et je souhaite une longue vie à cette pièce chorégraphique qui je trouve est très importante. (NDLR: la pièce a été présentée à la mairie de Metz et au festival Troyes en Scène lors de l’été 2025, elle est amenée à se produire à nouveau prochainement)

༄. Top ! Je te laisse le mot de la fin si tu as quelque chose à dire aux gens qui vont lire ou si j’ai oublié quelque chose.

Je te remercie de donner la parole à des gens qui sortent des trucs et qui ont des chouettes projets. Merci de leur donner de la visibilité. C’est très cool. Et puis je souhaite une belle vie à Running Home. Maintenant elle ne m’appartient plus. J’espère qu’elle fera du bien et qu’elle aura une belle vie.

༄. Merci beaucoup !

Avec joie !

Photo de Clémence Carbonaro

Photo de l’interview par Marius Lopez

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Interview réalisée le samedi 08 mars par Noctuastali.

Relue et corrigée par Lucas Simonnet et Antho.